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Tribune collective : Le sport comme moteur d'inclusion sociale

Vendredi 28 janvier 2022
#Inclusion
#Réfugiés
#France
#Playlab

L’outil sport : une clé pertinente à exploiter pour l’inclusion sociale des réfugiés et demandeurs d’asile

Le jeu sportif peut être un outil puissant pour favoriser le bien-être et l’inclusion sociale de personnes réfugiées ou demandeuses d’asile. Bien que les activités physiques et sportives soient mentionnées dans la Stratégie nationale pour l’accueil et l’intégration des réfugiés (actions n° 63, 64 et 65) adoptée par le Gouvernement Français en juin 2018, dans les faits les liens entre acteurs sportifs et sociaux demeurent à renforcer. C’est de ce postulat qu’est né le programme d’actions proposé par PLAY International, co-financé par la Commission européenne et la Fondation SUEZ et mené en partenariat avec le Think tank Sport et Citoyenneté.

Lancé en janvier 2020, ce programme consiste à créer des espaces et des temps d’échanges entre acteurs sociaux et sportifs, dans le but de favoriser la rencontre et la construction de solutions communes. Ce sont aujourd’hui plus de 50 organisations (acteurs sociaux, centres d’hébergement, associations sportives…) qui ont assisté aux différents rendez-vous proposés. C’est aussi dans cette dynamique qu’est née la volonté de porter cette tribune collective. Seule l’action commune permet en effet de répondre de manière pérenne aux enjeux de société.

I. Un contexte réel appelant aux changements

  1. Définitions

D’une part, au sens de la Convention de Genève de 1951, “est éligible au statut de réfugié toute personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays”. Il existe aussi une acception non juridique de la notion de réfugié, qui désigne toute personne contrainte à quitter son pays d’origine et ne pouvant y entrer[1] .

 

Il existe deux formes de protection en Europe[2] :

  • Le statut de réfugié est prévu par la Convention de Genève (1951). 60% des étrangers ayant obtenu l’asile en France bénéficient de ce statut.

  • La protection subsidiaire, attribuée à une personne étrangère qui ne remplit pas les conditions d’obtention du statut de réfugié mais qui justifie qu’il est exposé dans son pays à : la peine de mort ou exécution ; à des tortures et des menaces graves et individuelles contre sa vie.

Une personne réfugiée est donc dans un pays en situation de légalité.

 

D’autre part, une personne en demande d’asile est une personne qui a quitté son pays d’origine et souhaite obtenir le statut de réfugié[3]. Les demandeurs d’asile sont en attente de régularisation et, dans ce cadre, sont légalement résidents temporaires dans un pays. Les demandeurs.euses d’asiles sont soit en famille, soit accompagné.es d’ami.es, soit seul.es. Ceux qui arrivent seuls étant mineurs sont nommés les mineurs non-accompagnés (MNA) et changent de registre de protection, passant sous le registre de l’aide sociale à l’enfance (ASE).

 

  1. Chiffres clés[4] :

  • Plus de 80 millions de personnes étaient déracinées à travers le monde à la fin 2020, en raison de la persécution, des conflits, des violences, des violations des droits humains ou d’événements troublant gravement l’ordre public.

  • Parmi ces personnes, 26,4 millions sont des réfugiés dont plus de la moitié ont moins de 18 ans et 4,1 millions sont des demandeuses d’asile.

 

Il apparaît important aujourd’hui de penser à un avenir où le sport et le jeu sportif sont davantage considérés comme des outils essentiels favorisant l’inclusion sociale, le partage de valeurs, la mixité sociale, culturelle et le bien-être des personnes réfugiées et demandeuses d’asile.

II. Des expériences de terrain existantes et efficaces

Entre différents champs d’intervention et différentes sortes de structures, des organisations sociales et sportives utilisent déjà l’outil sport comme levier d’inclusion sociale des réfugiés et demandeurs d’asile. En voici quelques exemples :

  • Athlétic Coeur de Fond

L’association soutient que, quel que soit le niveau, le parcours ou l’implication de la personne exilée, le fait de proposer des activités physiques et sportives permet un impact positif, sans être nécessairement du sport de compétition. Le fait de venir au club, même pour un entraînement, favorise les rencontres et les interactions sociales, ce qui permet d’améliorer la santé physique et mentale, la pratique de la langue et le tissu social. Ainsi, la participation à des entraînements sportifs a de réels effets positifs sur les réfugiés et demandeurs d’asile tant sur le plan moral que psychologique. Par ricochet, elle a aussi un impact positif sur le groupe, grâce aux échanges que les participants peuvent avoir.

  • Nour

L’association Nour est née de la volonté de rendre les pratiques douces, telles que le yoga, accessibles aux personnes en situation d'exil et de précarité et d'en faire un vecteur de lien social. Pour cela, Nour se déplace dans les centres sociaux, les structures associatives et les établissements de santé en lien avec le public bénéficiaire de l'action. Les cours sont, dans la mesure du possible, ouverts au grand public afin de favoriser l'échange entre les élèves dans un but de mixité sociale, culturelle et générationnelle.

  • cycl’Avenir

Au travers de plusieurs programmes liés au vélo, en partenariat avec des acteurs sociaux qui identifient les publics ciblés, cycl’Avenir propose des activités sportives et culturelles favorisant l’inclusion sociale et l’insertion professionnelle des personnes en situation de précarité. A titre d’exemple, le programme En selle(s)!, promouvant le vélo pour toutes, permet aux femmes un apprentissage du vélo en milieu urbain et la découverte de Paris. L’objectif est multiple puisqu’il comporte l’accès à la mobilité, auxquels s’ajoutent un pan culturel et une réflexion citoyenne favorisant l’apprentissage du français. Cette année, le programme a accompagné 50 femmes dans 5 villes d’Ile-de-France. A la fin, 31 femmes sur 50 ont acheté un vélo à un prix symbolique de 25 €.

  • Up Sport ! unis pour le sport

L’association accompagne les personnes en fragilité sociale dans la pratique du sport en leur donnant les moyens de pratiquer une activité physique qui est pensée comme un outil et non une fin en soi : un outil de socialisation, d’inclusion culturelle et de reconnaissance des compétences, de bien-être et de confiance en soi.  70 % du public accueilli est un public de migrants, quelle que soit leur situation administrative, auquel l’association donne à ceux qui le souhaitent les moyens de se construire dans la sphère sportive et au-delà.

  • Futbol Mas

L’association utilise le sport comme un outil d’acquisition des compétences individuelles et collectives, d’éducation et d’insertion professionnelle à travers un apprentissage positif dans un contexte de diversité culturelle. Depuis 2019, Futbol Mas propose le programme AGIR, conçu spécialement pour les réfugiés et les demandeurs d'asile. Durant les 6 mois du programme, l’association travaille à l’élaboration de séances socio-sportives, avec objectif pédagogique de favoriser l’apprentissage de la langue française ainsi que les valeurs et les principes que les participants devront posséder dans le cadre de leur parcours d’inclusion. Ce programme se clôture par un tournoi de football (Foot emploi) avec des personnes de différentes entreprises recruteuses afin que les participants puissent entrer en relation avec elles.

  • Kabubu

Le sport est un outil puissant au service de l’inclusion et Kabubu le décline sous plusieurs formes pour proposer des activités sportives ouvertes à toutes et tous. L’objectif est de créer du lien social entre personnes exilées et locales tout en menant des programmes valorisant l’acquisition de compétences (dont un programme 100% féminin), ainsi qu’en proposant des formations professionnalisantes dans les métiers du sport à destination de publics bénéficiaires de la protection internationale.

  • Ovale Citoyen

L’association a été créée en 2018 en proposant uniquement une activité rugby pour des personnes en rupture de lien social et en accueil inconditionnel. Trois ans plus tard, elle est devenue une structure d’insertion par le sport et a donné naissance à Ovale Citoyen Event. Faire du rugby un outil d’inclusion sociale et d’insertion professionnelle, telle est aujourd’hui la fonction première d’Ovale Citoyen 100% Insertion.

  • Solibad, Badminton Sans Frontières

L’association œuvre depuis 2009 pour aider des jeunes évoluant dans une très grande précarité ou dans des environnements ne favorisant pas l’insertion. L’idée est d’utiliser l’outil badminton pour permettre à ces jeunes de s’offrir d’abord un espace de légèreté et de plaisir dans leur quotidien, puis donner à ceux qui le souhaitent des opportunités de travail, que ce soit dans le monde du sport (athlète, entraîneur ou arbitre) ou comme employé dans une structure partenaire (Décathlon récemment en Indonésie). L’association a également été partenaire en 2017 d’une opération menée par l’IRIS, ATD Quart Monde et la Ligue d’Ile-de-France de Badminton visant à créer des binômes entre étudiants et personnes réfugiées lors d’une soirée de badminton tout d’abord, pour ensuite proposer à certains de pérenniser ces duos lors de sessions régulières dans des clubs partenaires pour favoriser leur inclusion.

 

  • Équipe Sans Frontières Paris

Fondé en 2017, le projet est né de l’idée de donner l’opportunité et l’accès à des passionnés du monde entier de pratiquer le football au sein d’une équipe. Le club accueille des joueurs de tous les âges, mineurs et majeurs, dans le but de créer une communauté et de se divertir sur le terrain. L’objectif de l’association est de participer à l’élimination du concept d’être né du « mauvais côté de la frontière ». Par le biais du foot, la volonté est d’aider les gens à coopérer et à communiquer sur un terrain d’entente. L’association a ainsi une section masculine pour laquelle elle organise trois entraînements par semaine, et participe au championnat de la FSGT les samedis après-midi. Elle organise également des rencontres amicales et a, depuis septembre 2020, une section féminine se retrouvant tous les mardis soir.

  • Un ballon pour l’insertion

L’association propose aux personnes en situation difficile des séjours de remobilisation autour d’activités sportives et d’évènements. Ce ne sont pas moins de 80 séjours qui ont été organisés depuis sa création et l’association ne cesse de se développer par la création d’évènements socio-sportifs pour faire découvrir des sports et organiser de moments conviviaux au côté d’associations partenaires dans la lutte contre l’exclusion. 

 

  • Comité Départemental Olympique et Sportif de Seine-Saint-Denis (CDOS 93)

Le CDOS 93 porte de nombreux projets visant à favoriser l'accès aux activités sportives et socio-culturelles pour des personnes en situation de précarité. C'est le cas des licences solidaires qui facilitent l'intégration des personnes ayant le statut de réfugiés au sein des clubs sportifs.

 

De nombreuses associations passent aussi souvent par le “binômage” pour favoriser l’inclusion sociale. Cette méthode renforce et assure la mixité sociale à travers le lien de confiance tissé entre le parrain / la marraine et la personne exilée. Ce binômage dépasse largement l’accompagnement social et permet ainsi un accompagnement sur le long terme.

III. Quel message à faire passer ?

Les signataires font état d’un certain nombre de problèmes conjoncturels et surtout structurels qui ont un impact réel sur la pleine réalisation de l’utilisation de l’outil sport comme levier d’inclusion sociale des personnes exilées et déplacées.

 

Les signataires,

Soulignant que le milieu sportif, et notamment les fédérations sportives, épouse davantage une vision de la pratique sportive tournée vers le “sport performance”, plutôt que vers le “sport bien-être”, le “sport loisir” ou “le sport au service du développement” ; 

 

Notant que le problème de l’irrégularité de participation des personnes exilées et des bénévoles dans la participation et l’organisation des activités est réel et impacte la pérennité et la stabilité des activités proposées ;

 

Rappelant que l’accès aux infrastructures sportives est complexe et souvent sous tension, ce qui peut entraîner l’abandon ou la déprogrammation des activités sportives projetées ;

 

Conscients que la réalisation des projets se concentre généralement autour d’un ou deux porteur.s de projet, ce qui n’est pas sans conséquence sur la pérennité et la stabilité des projets amorcés ;

 

Soutiennent les propositions et recommandations suivantes, afin d’améliorer l’inclusion sociale des personnes exilées par le sport :

 

1. Exhortent un changement de paradigme au niveau institutionnel, et ce, à tous les échelons ;
  • en soutenant les clubs sportifs à adopter une démarche plus inclusive pour les primo-arrivants, notamment concernant leur culture du sport et leur langue,

  • en impulsant une pratique sportive plurielle incluant davantage le volet de loisir, que ce soit dans les pratiques ou dans le vocabulaire,

  • en sensibilisant les acteurs locaux et les organisations concernées sur la différence entre le “sport performance” et le “sport développement”, en accompagnant les bénévoles à se former aux impacts positifs du sport sur le plan social, physique et psychologique.

 

2. Encouragent les politiques publiques à simplifier les démarches administratives ;
  • en permettant aux clubs sportifs d’inclure plus facilement les personnes exilées au sein de leur structure, notamment par la levée de freins administratifs et financiers,

  • en favorisant la mutualisation des différentes structures dans l’accès à des créneaux concernant les infrastructures sportives, notamment par la mise en réseau de celles-ci.

 

3. Appellent les responsables des structures d’accueil à intégrer et inscrire les projets d’animation, et notamment sportifs, dans le fonctionnement global de la structure ;

  • en promouvant le travail multilatéral entre les membres de la structure afin de donner de la stabilité et assurer la pérennité des projets,

  • en promouvant le travail multilatéral avec d’autres structures partenaires afin de partager les expériences et de favoriser la complémentarité des disciplines et des pratiques,

  • en encourageant les bénéficiaires finaux à être pleinement parties prenantes des projets sportifs et inclusifs,

  • en encourageant les responsables à intégrer un temps sportif et culturel permettant aux membres de la structure de s’y consacrer sans que cela impacte les autres actions menées.

 

 


Liste des signataires :

Athlétic Cœur de Fond, qui fonde sa lutte contre les discriminations de genre, d’origine, d’orientation sexuelle ou de handicap, tout en proposant une offre sportive de qualité.

Un Ballon pour l’insertion, qui utilise le sport comme outil de remobilisation pour les personnes en situation de précarité depuis 2014.

CDOS 93, qui rassemble les comités départementaux situés dans son ressort territorial et contribue à la promotion et au développement du Sport en Seine-Saint-Denis.

cycl’Avenir, qui a pour objectif de rompre l’isolement de personnes isolées par le vélo en favorisant le lien social entre un public de bénévoles locaux et des personnes en situation de précarité, l’accès à la mobilité, l’insertion professionnelle et à la culture

Emmaüs Solidarité, qui œuvre au quotidien pour que chacun trouve ou retrouve une place dans la société. Elle accueille, héberge et accompagne vers l’insertion 5 000 personnes et familles en grande difficulté sociale chaque jour ; et la Maison des Réfugiés dispositif qui accueille et tisse des liens entre réfugiés. Elle propose des cours d'apprentissage de la langue, des activités culturelles et sportives, un accompagnement social et à l’insertion professionnelle.

La Fédération des Acteurs de la Solidarité Île-de-France, qui est un réseau généraliste de lutte contre les exclusions. En Île-de-France, elle regroupe près de 165 associations, soit 519 établissements et services, œuvrant pour l’inclusion sociale de tous les publics en difficulté : évolution de leur insertion, favorisation de leur expression, promotion de leur autonomie et facilitation de leur accès à la santé, la culture et la citoyenneté.

Futbol Mas, qui a pour mission la promotion du bien-être des jeunes, à travers le développement de leurs compétences en matière de résilience et de la cohésion sociale par l’intermédiaire du jeu et du sport (en particulier du football).

Kabubu, qui favorise l’inclusion sociale et professionnelle des personnes exilées à travers le sport. Par ses actions et via le sport, Kabubu vise à engager des citoyen.es de tous horizons, provoquer un changement de regard de la société d’accueil sur les sujets de la migration et garantir un accueil digne.

Nour, qui propose des cours de yoga dans les centres sociaux, d'hébergement, etc. pour améliorer la santé mentale et physique des publics vulnérables (femmes victimes de violences, des personnes exilées, etc.).

Ovale Citoyen, qui a pour mission la formation, la sensibilisation et la mise en œuvre de la lutte contre toutes les formes de discrimination

PLAY International, qui est une ONG pionnière dans le secteur du développement et de l'éducation par le sport. Elle a été fondée en 1999 sur une conviction : le sport est une source de solutions pour répondre aux enjeux de société.

Solibad, qui a pour mission de récolter des fonds en France et à l’international, finance des programmes d’aide aux jeunes en situation de précarité (in)directement liés à la pratique du badminton.

Équipe sans frontières Paris, qui est un club de football associatif œuvrant pour l'insertion des migrants, notamment par un encadrement et un accompagnement sportif.

Sport et Citoyenneté, qui est un Think tank européen dédié à l’impact sociétal du sport.

Up Sport ! unis pour le sport, qui utilise le sport comme outil d’insertion de publics en situation de précarité. En partenariat avec des centres sociaux et d’hébergement, Up Sport ! propose un accompagnement socio-sportif favorisant le développement de savoir-être.

 

Pour être signataire, c'est encore possible : c'est par ici !

 

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Bibliographie :