PLAY s’est associée en 2019 au laboratoire VIPS² (Université Rennes 2) afin de mettre en place une recherche-action autour du programme Ejo (« Demain » en Kirundi), un projet majeur d’éducation par le sport qui a lieu dans plusieurs pays et qui bénéficient à des dizaines de milliers d’enfants. Pour suivre les avancées de la doctorante Eléa Chiron, nous avons décidé de l’interroger directement !
Est-ce que tu peux résumer rapidement l’objet de ta thèse ?
Mon travail doctoral porte sur l’analyse des effets de socialisation d’un programme d’éducation par le sport déployé par PLAY au Burundi, au Kosovo et au Sénégal. Cherchant à dépasser le cadre binaire de l’évaluation d’impact, l’enquête se concentre sur les mécanismes de socialisation à l’œuvre à travers l’étude des trajectoires de vie des bénéficiaires. Mon objectif est d’analyser de manière qualitative l’évolution des manières de penser, de faire et d’agir des enfants, des enseignant·es et des animateurs·trices, et de tenter de comprendre le rôle que le programme Ejo peut jouer – ou non – dans ces évolutions.
Peux-tu rappeler la méthode et les thématiques abordées ?
J’utilise les méthodes et outils de la sociologie qualitative, c’est-à-dire que je combine des entretiens biographiques avec des observations ethnographiques sur le terrain. Plus concrètement, cela signifie que je rencontre quelques bénéficiaires du programme et que je les suis tout au long de leur participation au programme. Je les interroge individuellement plusieurs fois afin de retracer leur trajectoire personnelle et le rôle que Ejo peut jouer dans leur vie. Je visite également leur école ainsi que leur quartier et j’observe leur pratique en assistant à des cours d’EPS ou à des séances d’activités sportives et de jeux extra-scolaires.
Quelle(s) plus-value(s) vois-tu à ton projet vis-à-vis de PLAY et du programme Ejo ?
Je pense que ce travail de recherche s’inscrit dans la dynamique d’innovation développée par PLAY International depuis plusieurs années. L’objectif est de dépasser les évaluations ponctuelles d’impact afin de produire un savoir scientifique pertinent à plusieurs échelles : celle des professionnels·elles qui porteront la suite d’Ejo et celle de la communauté de chercheur·e·s travaillant sur le Sport for Development. La plus-value de cette thèse est de produire des connaissances qui seront utiles au-delà des spécificités de ce projet.
Peux-tu nous parler de ton terrain d’enquête ?
Au total j’ai réalisé 10 déplacements sur le terrain. J’ai commencé par un premier voyage au Kosovo en novembre 2019 afin d’y mener une enquête exploratoire. La pandémie mondiale et les mesures de confinement qui en découlent ont ensuite freiné mon travail. En effet, ce n’est qu’un an plus tard que j’ai pu être en mesure de me déplacer à nouveau au Kosovo. Une fois lancée, j’ai enchaîné tous les déplacements dans les trois pays, en essayant de les espacer et de jongler avec les spécificités de chaque terrain. Ces derniers ont parfois été difficiles d’accès en raison d’une multitude de facteurs : aléas climatiques, calendriers scolaires, contexte politique ou sanitaire…etc. De plus, l’enquête a été plus facile à organiser en contexte scolaire, car l’accès et le suivi des enfants ont été facilités par les enseignant·e·s et par le caractère très formel de l’école. Au total, j’ai pu réaliser 4 déplacements au Kosovo, 3 au Sénégal et 3 au Burundi. L’enquête vient de se terminer avec un dernier déplacement au Burundi en décembre dernier.
Durant ces enquêtes, j’ai réalisé 162 entretiens auprès de 76 enquêté·e·s. En effet, j’ai pu suivre certains bénéficiaires de manière longitudinale, et ainsi apprécier les éventuels effets du programme et changements dans leur vie au cours du temps. Durant chaque déplacement, je me suis rendue sur le terrain afin d’observer leur pratique en assistant aux séances d’EPS dans les écoles, et de socio-sport dans les structures du secteur extra-scolaire.
J’ai été captivée par mon sujet de recherche et par mes terrains d’enquête, et cette expérience m’a poussée à repenser ma manière de « faire de la recherche ». Malgré les freins rencontrés, les contenus des entretiens et observations réalisées sont intéressants et diversifiés, offrant à la fois un éclairage spécifique à chaque pays et un regard global sur le programme.
Quelles sont tes prochaines étapes du projet ?
La première étape est le traitement des données récoltées, c’est-à-dire plus concrètement la retranscription des entretiens réalisés et l’approfondissement des observations de terrain. Les deux étapes suivantes et interdépendantes sont celles de l’analyse des données et de la rédaction des résultats. Ce travail devrait aboutir à la formation d’un premier manuscrit de thèse… dans quelques mois !
Et toi ? quel avenir en perspective après ?
J’ai pour le moment un gros chantier à finir… mais je souhaiterais par la suite poursuivre dans le domaine académique en post-doctorat.
Pour en savoir plus : https://www.play-international.org/projets/recherche-action-ejo